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Khelios - Khelios, jour 7



Après plusieurs journées et nuits mouvementées à la barre, dans une mer très formée et des rafales dépassant parfois 30 noeuds, Khelios est entré dans un régime d’alizé plus clément, qui permet à tout l’équipage de souffler un peu et de prendre la mesure des efforts collectifs accomplis, pour entrer pleinement dans la course. Nous poursuivons avec ténacité notre remontée dans le classement et en sommes très fiers ! Les signaux AIS nous indiquent un possible croisement avec certains de nos camarades concurrents transateurs dans les prochaines 24h. Hormis cette perspective, pas âme qui vive à l’horizon. Ni cargo, ni plaisancier. L’immensité nue qui nous entoure nous rappelle constamment ce régime d’autarcie qui sera notre quotidien pour une dizaine de jours encore.

Grâce aux conseils incessants et à la vigilance permanente de Nicolas, nous améliorons tous chaque jour notre finesse à la barre, pour tenir au mieux, au grand largue, cette route étonnamment proche de l’orthodromie, entre les Canaries et Sainte-Lucie. Nous apprenons à jongler entre toutes les données de navigation à disposition, travaillant beaucoup sur notre TWA (true wing angle), paramètre clé pour cette longue navigation au portant. Les vents nous sont jusqu’ici favorables.

De jour comme de nuit, nous nous relayons sans cesse pour tenir et optimiser la marche de Khelios, en binômes associant barreur et équipier-veilleur. Notre schéma de quarts fonctionne bien et chacun a su trouver son rythme. La fatigue, l’anxiété aussi parfois dans le surf des grandes déferlantes nocturnes, par grand frais et 6-7 Beauforts de vent, ont désormais laissé la place à plus de confiance et de sérénité collective. L’équipage fonctionne à merveille. Nous restons bien sûr extrêmement vigilants sur tout ce qui a trait à la sécurité, dans chacun de nos gestes et déplacements à bord, du plus anodin au plus technique. Les manœuvres d’ajustement du gréement sont de plus en plus fluides.

A toute heure, les éléments bruts qui nous entourent offrent un spectacle saisissant. Bleu argenté, noir ou gris anthracite de l’océan, blancheur de l’écume, levers et couchers de soleil dignes d’un nouveau monde, arc-en-ciel, autoroutes de cumulus si caractéristiques de la navigation sous ces latitudes, grains et cumulonimbus naissants dont nous surveillons les évolutions d’un œil attentif, tout invite à l’observation, à la contemplation, même au fil de nos incessantes activités. Les nuits de pleine lune sont magiques. Les heures plus obscures révèlent une splendide voûte étoilée. Orion revient souvent dans notre faisceau de repères visuels nocturnes.

Quelques pailles en queue et sternes des Antilles évoluent dans le sillage de Khelios, vraisemblablement plus confiants que nous sur les résultats possibles des deux lignes de 50m que nous avons lancées hier, pour nous essayer à la pêche transatlantique. Les poissons volants ont fait leur apparition et atterrissent régulièrement sur le pont, surprenant souvent le barreur de quart. Plusieurs dauphins sont venus nous accompagner sur quelques milles.

Au milieu de cette immense étendue d’eau, dont l’existence mème nous rappelle sans cesse les origines de la vie, nous prenons mieux la mesure du monde, en même temps que nous réapprenons à vivre le voyage, à accepter l’isolement, la lenteur de notre périple, extérieur et intérieur. Nous pensons souvent à celles et ceux qui, les premiers, issus de tous horizons, se sont lancés à l’aventure sur les océans, sans cartes, sans connaissance du monde, sans GPS, sans Iridium, sans bulletin météo, sans aucune forme d’assistance possible. L’exploration fascine, par ce mélange de folie, de nécessité et de quête de progrès, qui caractérisent - semble-t-il - notre espèce.

Aujourd’hui, 28 novembre, nous avons célébré en équipage nos 1000 premiers milles au large, un cap symbolique particulièrement fort pour nous tous. La vie à bord fonctionne très bien, nous nous attachons à gérer au mieux l’organisation, la propreté et l’intendance dans notre espace confiné. Nous consacrons beaucoup de temps à transformer en repas agréables les nombreuses provisions embarquées à bord de Khelios, et suivons constamment le bon état de conservation de tous nos aliments frais, que nous contrôlons et déplaçons aussi souvent que nécessaire entre les différents espaces de stockage. La course au large est une incroyable école de rigueur mais aussi de bon sens, dans toutes les dimensions de l’existence.

Les jauges de consommations d’eau douce et d’énergie à bord ne révèlent pas de surprise majeure. L’origine d’une possible surconsommation électrique a été détectée et a priori neutralisée. Deux recharges quotidiennes de nos batteries s’avèrent nécessaires, malgré nos constants efforts de frugalité. Il faut notamment alimenter les différents équipements d’assistance à la navigation, et éviter qu’ils ne se coupent en pleine nuit. Une vibration inattendue au niveau de l’hélice, et un premier diagnostic caméra, nous incitent à envisager la nécessité d’une plongée prochaine sous Khelios, pour retirer un objet non identifié qui empêcherait l’hélice de se replier.

Notre mascotte, Castor, frétille d’impatience à l’idée des vieux rhums qui nous attendent déjà sous les cieux antillais.

Cédric, pour l’équipage de Khelios.

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